Honoraires:
les médecins cassent les codes

Par Yannis Papadaniel

1er mai 2022

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La facture en PDF.

À partir d’une facture envoyée par une de nos membres, nous avons remonté le fil pour comprendre comment les médecins privés calculaient les honoraires de leurs prestations payées par l’assurance complémentaire lors d’une hospitalisation. Plongée dans un chaos sans nom et des montants élevés non justifiés. On s’est aventuré dans ce dédale avec la Fédération suisse des patients.

C’est une histoire malheureusement très ordinaire. Elle commence avec une facture au libellé opaque qui nous a été remise par Annie. Cette membre de la FRC suit les nouvelles directives du Conseil fédéral et du Parlement: elle «contrôle la justesse» du document. En effet, depuis 2022, tout fournisseur de prestation (médecin ou hôpital) est tenu de remettre systématiquement une copie de sa facture, que celle-ci ait été remboursée directement ou non par l’assureur. Il n’y a pas vraiment de révolution derrière cette mesure – le geste administratif était déjà prévu dans la LAMal –, seul le caractère systématique de la remise est inédit. Le Conseil fédéral n’a eu de cesse de souligner que les patients sont les mieux placés pour exercer un contrôle qu’ils mènent par ailleurs déjà dans le cadre de l’assurance complémentaire où prévaut souvent le régime du tiers-garant (les patients paient avant d’être remboursés). Pour avoir reçu les soins, ils peuvent attester des prestations qui ont été délivrées ou non. L’argument n’est pas faux, mais il est très lacunaire.

Parallèlement, le 18 décembre 2020, la Finma, l’autorité de contrôle des assurances privées, après avoir mené une enquête auprès de cinq grands groupes d’assureurs, dénonçait l’opacité de la facturation, et notamment la surenchère des honoraires qui participent directement à l’augmentation des primes des complémentaires. Elle a donné un délai au 1er janvier 2024 aux assureurs pour qu’ils revoient leur convention avec l’ensemble des prestataires privés, sans quoi l’autorité de surveillance menace simplement de ne pas valider les primes. Entretemps, les problèmes subsistent et les assurés en font les frais: les factures sont illisibles, les systèmes de tarification incompréhensibles, alors que les montants en jeu peuvent être importants et que les primes LCA ont elles-aussi pris l’ascenseur ces dernières années.

Dans le cas d’Annie, les montants en jeu n’ont a priori rien de spectaculaire. Mais si on les multiplie par le nombre d’hospitalisations annuelles (1’368'316 en 2020, source OFSP), le potentiel d’économie est réel. Les frais hospitaliers pour les soins aigus s’élèvent à près de 15 milliards de francs en 2020 (11 milliards pour l’assurance obligatoire et 4 milliards pour les complémentaires). Les petits ruisseaux font les grandes rivières: ici le scandale porte sur des imprécisions, des flous, et des incohérences à une échelle quotidienne, presque invisible à l’œil profane. Mis bout à bout, à l’échelle du système, les montants en jeu sont décisifs: un rapport du contrôle fédéral des finances paru à l’automne 2021 souligne qu’on observe jusqu’à 20 % de surprescription et des facturations multipliées jusqu’à quatre pour des patients dotés d’une assurance complémentaire…

Annie n’a eu aucun problème pour obtenir le remboursement de sa facture, c’est aussi ce qui l’a interloquée. Sa facture porte sur deux interventions chirurgicales à la suite de calculs à la vésicule biliaire. Les deux opérations – l’une pour retirer les calculs, l’autre pour enlever la vésicule – ont eu lieu à un jour d’intervalle.

Document incompréhensible

Annie dispose d’une complémentaire pour être prise en charge en régime semi-privé. Elle s’étonne que sa complémentaire ait eu à payer près de 10'000 fr. alors que 6'500 fr. avaient déjà été pris en charge par la couverture de base - qui couvre toute l’infrastructure nécessaire à l’opération. Elle s’est bien adressée à l’administration de l’établissement concerné, un hôpital régional privé reconnu d’intérêt public, qui lui a répondu que tout était parfaitement correct. Peu convaincue par la réponse, elle s’est alors retournée vers la FRC afin d’obtenir une analyse plus en profondeur. Le début d’un long périple.

Les prestations prises en charge par l’assurance complémentaire font l’objet d’une facture de deux pages. Celle-ci porte sur les consultations avant et après l’opération, sur l’opération elle-même, ainsi que sur les prestations de l’anesthésiste. Même sans assurance complémentaire, un anesthésiste serait intervenu. Toutefois, le système considère qu’en ayant pu choisir son chirurgien et le lieu de son intervention, Annie a choisi les anesthésistes (même si formellement c’est le chirurgien qui a fait ce choix). Ces derniers sont ainsi en droit de facturer un supplément. Reste que le document est tout simplement incompréhensible: les modalités de calcul à l’origine des montants facturés ne sont explicitées nulle part, certaines prestations sont codées selon le Tarmed (valable pour les prestations de l’assurance obligatoire), d’autres reprennent les codes d’une grille tarifaire qui n'est citée nulle part.

Ici se mêlent de façon incompréhensible des codes TARMED, des codes issus de la conventions bilatérales entre assureurs hôpitaux et médecins, et enfin ne tarification libre.
Cette facture est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Malheureusement, actuellement, c’est plus la norme que l’exception.
Brigitte Kohler, spécialiste en charge de l’analyse des factures à la Fédération suisse des patients (FSP)

 

Face à un tel manque de clarté, nous avons sollicité Brigitte Kohler, spécialiste en charge de l’analyse des factures à la Fédération suisse des patients (FSP). Son diagnostic est clair et net: «Cette facture est l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Malheureusement, actuellement, c’est plus la norme que l’exception, dans le système. Sans disposer du protocole opératoire, il n’est déjà pas possible de contrôler les prestations qui sont facturées. Par ailleurs, sans autre précision et sur la seule base de la codification présentée, il n’est pas possible non plus de savoir quelle est la logique comptable à l’origine des montants présentés».

La facture pose donc déjà un problème sur la forme. Par ailleurs, sans information préalable et sans expérience dans le domaine, il est très compliqué de faire valoir ses droits et d’argumenter face à l’attitude un brin condescendante avec laquelle l’administration hospitalière (mais aussi parfois les médecins) accueille les questions et les doléances des patients.

Méthode de calcul

Avec Brigitte Kohler et la FSP, nous avons lancé des démarches auprès de l’hôpital le 29 octobre 2021, un premier message lui ayant été adressé. Si nous avons eu accès très rapidement au protocole opératoire, un mois a été nécessaire pour comprendre la facture, repérer les positions problématiques, asseoir et transmettre nos analyses à l’établissement et, surtout, recevoir une réponse.

Notre contestation porte non sur des prestations qui n’ont pas été livrées (une fraude relativement simple à établir), mais sur les montants facturés pour des prestations effectivement délivrées et la manière dont ils ont été calculés. On s’aventure alors dans un long dédale. Accrochez-vous à notre fil, on espère ne pas vous y perdre.

Le tarif de référence utilisé est un tarif d'usage privé, problème: la codification et les montants ne correspondent pas.

Deux positions ont, en particulier, retenu notre attention, elles concernent l’intervention de l'anesthésiste lors de chaque opération. Pour la première intervention, l’hôpital nous précise que le montant de 950 fr. a été obtenu «par analogie». Le catalogue des tarifs auquel il se réfère est trop ancien et ne comprend pas l’intervention en question. Dès lors, c’est, nous dit-on, une prestation de durée et de difficulté similaire (en l’occurrence une dilatation œsophagienne) qui a servi de base de calcul.

Pour la seconde intervention, facturée à 2700 fr., le même raisonnement est proposé, à ceci près que le catalogue des tarifs détaille cette intervention. En conclusion, l’hôpital estime que son calcul est juste. Il va même plus loin: selon lui, un tarif plus élevé aurait pu être appliqué, nous menaçant très clairement du fait que notre contestation pourrait conduire à une majoration du prix.

Cette explication ne convainc pas, l’intimidation ne nous fait pas peur. Nos interlocuteurs ne se soucient guère du fait que les noms de certains intervenants indiqués sur la facture et ceux inscrits sur le protocole opératoire ne correspondent pas de façon systématique. Surtout, le document mélange allègrement les références. De fait, le catalogue de tarifs auquel dit se référer l’hôpital a été réactualisé en 2000, il en existe même une version que l’hôpital a signée avec l’assureur d’Annie, dans laquelle l’intervention de chaque anesthésiste facturée (par analogie à 950 fr.) figure avec à la clé un montant moins onéreux à 620 fr. Elle est dotée d’un code, le 21207, qui est mentionné sur la facture, mais le tarif ne correspond pas.

Enfin, nous faisons face à un autre problème. Si nous nous basons sur la facturation de l’anesthésiste, il semblerait que le chirurgien ait touché les voies biliaires, ce qui induit un geste plus technique, un temps d’anesthésie plus long et une facture plus chère. Pourtant, le protocole opératoire ne fait quant à lui pas mention des voies biliaires. Et pour corser le tout, le chirurgien, lorsqu’il facture son intervention, utilise des codes qui laissent sous-entendre qu’il n’a pas touché aux voies biliaires. Sur ce point nous n’avons reçu aucune réponse.

L'anesthésiste indique qu'il a touché aux voies biliaires (gest plus cher) ce que le protocole opératoire ne confirme pas. Par ailleurs, les codes TARMED indiqués supposent que ces mêmes voies biliaires n'ont pas été touchées.
Comprendre cette facture, notamment pour les honoraires médicaux est effectivement complexe, même pour des initiés.
Patricia Albisetti, SG FHV

Prix élastiques

Vous êtes toujours là? Tentons une analogie et imaginons qu’un restaurateur vous serve une pizza, vous apporte l’addition en y indiquant le nom d’une autre enseigne tout en vous facturant un plat de pâtes dont il a adapté le tarif en prenant comme base de calcul les prix affichés dans la carte d’il y a dix ans, et en sus vous fait payer un ingrédient qu’il n’a pas utilisé. C’est la pratique que l’on observe ici et dans bien d’autres hôpitaux et cliniques en Suisse romande. Or, le degré de technicité, la terminologie employée, le système de codage et les références multiples et contradictoires offrent la possibilité aux hôpitaux mais surtout aux médecins de se cacher derrière un bouclier d’opacité qui rend difficiles, voire impossibles les contestations.

Nous avons alors fait part de nos réserves à l’hôpital qui n’a pas donné suite. Pas même un accusé de réception. En février 2022, nous avons donc interpellé un membre de la direction de l’hôpital par l’entremise de Brigitte Kohler. A la suite de ce contact, nous avons changé d’interlocuteur: la Fédération des hôpitaux vaudois (la FHV, faîtière des hôpitaux privés d’intérêt public) a repris l’affaire. De l’aveu même de sa secrétaire générale, Patricia Albisetti, «la facture est difficilement compréhensible». Pour autant, en dépit du système de référence croisée, elle confirme le fond des explications déjà reçues: «Il y a certes un manque de transparence. Comprendre cette facture, notamment pour les honoraires médicaux est effectivement complexe, même pour des initiés». Comprenne qui voudra, donc, ou plutôt qui pourra (a priori pas grand monde).

Ce que nous avons appelé jusqu’ici – de façon volontairement peu orthodoxe – un catalogue de tarifs se nomme dans ce joli monde technocratique un tarif d’usage privé, un TUP. Il s’agit d’un catalogue listant, pour un champ d’activités, des fourchettes de prix pour les différents types d’interventions ou de prestations.

La Comco entre en lice

Dans le domaine de la santé, un TUP peut être vu comme une jauge, il donne une indication qui n’est ni un tarif contraint, ni même un tarif plafond. En 1994, dans le canton de Vaud, la société médicale vaudoise (SVM) avait proposé un TUP qui listait les prix que les médecins pouvaient pratiquer lorsqu’ils prenaient en charge des patients pour des prestations complémentaires privées (hors LAMal). On trouvait, à la même époque, un document similaire dans le canton de Genève. Le TUP était communément devenu un tarif de référence que la plupart des médecins appliquait. En 1998, dans le canton de Vaud puis, en 2002, dans le canton de Genève, la Commission fédérale de la concurrence (Comco) est intervenue, jugeant la pratique illégale: de son point vue, l’usage des TUP s’apparente à une entente sur les prix.

Cette intervention de la Comco est décisive pour comprendre la situation actuelle: elle n’a pas abouti à une baisse des tarifs, elle a au contraire entraîné une forme de surenchère notamment dans les honoraires de médecin. Cette surenchère découle directement de l’application stricte du principe du libre marché qu’aucun barème, aucune indication n’est venue encadrer, notamment afin de déterminer si les honoraires auxquels prétend un praticien sont proportionnelles à la qualité de ses services. En l’état, tout médecin dispose d’une grande liberté pour définir de lui-même la qualité de ses interventions et le tarif qu’il exige en retour. S’il est abusif de dire que tous les médecins privés en profitent, on peut tout de même convenir que ce système offre une voie royale aux plus complaisants dans l’auto-évaluation de leur talent.

99999 = aucune codification, montant déterminé selon la seule appréciation du médecin et sans justificatif.

Plus précisément, les barèmes n’ont pas disparu. Au contraire, ils se sont démultipliés, chaque assureur discutant en bilatéral avec les sociétés médicales des fourchettes tarifaires à appliquer pour leurs propres assurés, sans qu’elles deviennent contraignantes. On fait difficilement plus compliqué: les sociétés médicales pourtant signataires des TUP encore utilisés semblent les avoir perdus de vue. Alors que la Comco concluait, en octobre 1998, que «suite à cette modification, les honoraires sont négociés avec les assureurs plutôt que fixés unilatéralement par les médecins», c’est à peu de chose près l’inverse qui s’est produit.

Il est important de relever, que même si cela peut apparaitre choquant, il n’existe pas de plafonnement des suppléments d’honoraires médicaux à charge de la LCA.
Philippe Eggimann, vice-président FMH

La Finma dénonce aussi

La facture d’Annie l’illustre à merveille: alors que les deux anesthésies sont jugées comme peu complexes, elles sont rémunérées à hauteur d’un tarif qui va de 1325 fr. à 1620 fr. l’heure. Sur une seule facture le montant est déjà exorbitant pour ne pas dire indécent. Et le scandale augmente de manière presque exponentielle si les mêmes barèmes sont appliqués partout. Président de la société médicale de Suisse romande et nouvellement vice-président de la FMH, Philippe Eggimann ne semble que peu s’émouvoir de l’absence d’un plafond: «Il est important de relever, que même si cela peut paraître choquant, il n’existe pas de plafonnement des suppléments d’honoraires médicaux à charge de la LCA. C’est justement une des mesures proposées par le groupe d’experts du Conseil fédéral en 2017 pour limiter la hausse des coûts de la santé. Elle n’a pour l’instant pas été reprise». Le Conseil fédéral n’a rien fait, mais les sociétés médicales n’ont pas vraiment été proactive non plus. L’intervention de la Finma en décembre 2020 – un coup de semonce dans ce dédale – permettra peut-être une mise à plat du système et la réalisation du vœu (pieux) émis par la Comco en 1998. Mais d’ici là, elle ouvre une période d’incertitude qui, comme l’a observé la FSP, se retourne contre les patients et assurés. Car beaucoup d’assureurs exercent de façon plus serrée désormais le contrôle des factures. Malgré tout, le flou n’a pas été levé – autorisant certains médecins à facturer de manière complètement fantasque leurs prestations. Or, en cas de non-remboursement par l’assurance, c’est le patient qui en pâtit, se retrouvant endetté ou dans la position de devoir s’aventurer dans une jungle administrative franchement inamicale pour s’opposer à la facture.

Patients sans garde-fous

Les acteurs impliqués – assureurs, hôpitaux et médecins – très prompts pourtant à se renvoyer la balle et à se rejeter la faute sur les raisons du fiasco actuel n’ont rien anticipé. Ils auraient pu exercer leur responsabilité avec bien plus de diligence. Les assureurs en exerçant leur devoir de contrôle de manière plus serrée; les hôpitaux en fixant des conditions plus fermes aux médecins privés qu’ils accueillent entre leurs murs; les médecins en définissant et suivant des garde-fous dans la fixation de leurs honoraires.

Le patient est toujours une marionnette pratique à agiter dans le marketing sanitaire mais, dans la vraie vie jonchée d’obstacles administratifs, quand il est au bout de la chaîne, seul à devoir assumer les risques et les responsabilités, la complexité devient l’argument clé chez les professionnels pour ne lui venir en aide qu’avec une grande parcimonie.

En 2019, la FRC avait sollicité la FMH pour mettre en place des formats de facture plus lisibles. Après un délai d’attente relativement long, la réponse annonçait des projets et une consultation qui se font encore attendre. Les assureurs nous annoncent du changement, on demande notamment qu’une fois qu’ils auront négocié les tarifs, les hôpitaux et les médecins les rendent publics gratuitement. A titre d’exemple, l’Association des médecins indépendants (ASMI) ne rend disponibles les tarifs qu’elle préconise et leur méthode de calcul qu’après le versement d’un émolument de 900 fr. Un peu comme si notre restaurateur, après qu’on lui a demandé comment il était arrivé au montant final qu’il exigeait sur l’addition, nous demandait un supplément pour nous répondre.

L’économie de libre-marché et la concurrence ne peuvent se déployer de façon équitable sans que certaines informations, à commencer par l’ensemble des prix du marché, soient rendus disponibles aux patients et assurés. Il est urgent que les hôpitaux, les médecins et les assureurs mettent en pratique ce principe clé de l’économie libérale. Annie aurait ainsi pu contester d’elle-même sa facture et son assurance lui rembourser les prestations justes sans avoir, une année après, à augmenter les primes.

Les deux positions qui posent problème et que nous contestons

Des prestations identiques, des factures différentes selon les références Première anesthésie, 30 avril, durée: 43 min Deuxième anesthésie, 1er mai, durée: 1h40
Facture de l'hôpital 950 fr. 2700 fr.
Facture selon TUP 1994 (tarif affiché + 15% pour inclure le renchérissement de la vie) entre 590 fr. et 730 fr. entre 1350 fr. et 1650 fr.
Facture selon TUP 2000 (négocié par l'assureur d'Annie) 620 fr. 1415 fr.

Quelle que soit la référence choisie, le tarif de l’hôpital est de toute manière le plus élevé.
Dans la facture de l’hôpital, les montants et les codes ne coïncident pas.

LES SOLUTIONS

Une solution en vue dans les établissements? Peut-être

Tout l’enjeu, après l’intervention de la Finma, est de parvenir à une mise à plat de la tarification pour éviter les excès – qui, comme l’illustre la facture d’Annie, concernent les cliniques privées mais aussi les hôpitaux privés d’intérêt public – sans recevoir les foudres de la Commission de la concurrence. À notre connaissance, l’Association suisse des assureurs (qui défend les intérêts des assureurs privés) a lancé un appel à différents acteurs de la branche pour mettre en place une structure tarifaire qui permette un tel équilibre. Parmi les projets qu’elle a retenus, le groupe privé Swiss Medical Network a mis en place un système qu’il est train de tester dans un établissement à Zurich. Il faut admettre que la clé de cette méthode est intéressante: elle consiste à calculer le supplément LCA suivant une méthode fixe – elle serait la même pour tous les prestataires – tout en l’indexant sur des points (du type Tarmed) dont la valeur serait variable. C’est la valeur de ce point, et seulement celle-ci, qui ferait l’objet de la négociation entre assureurs et fournisseurs de prestations. Si la valeur du point est ensuite rendue publique, la FRC trouve la démarche «intéressante».

Les prestations supplémentaires en question

L’intervention de la Finma oblige les assureurs à changer leur pratique. Le groupe Helsana est ainsi en train de clarifier les conditions de remboursement LCA, notamment en spécifiant ce qui est entendu par «prestations supplémentaires». Dans un courrier adressé aux médecins début avril, l’assureur écrit: «Les prestations supplémentaires sont des prestations dépassant celles étant à charge de l’AOS. Il s’agit par exemple du libre choix du médecin en charge du cas et de l’équipe de médecins dont il s’entoure (assistant, anesthésiste), d’une disponibilité accrue pour le séjour hospitalier. En revanche, une simple facturation à l’acte de suppléments sur des prestations médicales n’est pas admise: l’acte médical reste identique pour un patient avec ou sans assurance complémentaire. Le système de tarification utilisé pour la facturation doit décrire les prestations dispensées, de manière à expliquer en quoi il s’agit d’une prestation supplémentaire.» Là encore, l’approche est la bonne: en somme, un médecin ne pourra plus facturer un supplément sous prétexte qu’il intervient auprès d’un assuré disposant d’une complémentaire. Il faudra simplement garantir que les médecins privés appliquent ces directives et, surtout, s’ils ne le font pas, que la charge de la facture ne revienne pas aux patients. Au devoir d’information des médecins – ceux-ci sont tenus d’informer les patients de la prise en charge ou non des prestations proposées – doit s’ajouter celui de transparence.