Les femmes et leur stérilet

«Y en a ras l’utérus!»

Une enquête de Sandra Imsand

7 mai 2024

Plus de 300 Romandes ont accepté de témoigner de leur expérience avec un DIU, une méthode de contraception qui connaît une forte progression cette dernière décennie. Entre douleur, prix, facturation et attitude du corps médical, les réponses suscitent à la fois incompréhension et interrogations.

306 réponses en l’espace de deux semaines. La FRC ne s’attendait pas à un tel engouement lorsqu’elle a lancé en février dernier un questionnaire en ligne pour recueillir les avis des utilisatrices de stérilets. Alors que cette méthode de contraception connaît une croissance foudroyante et séduit de nouveaux publics, ces changements s’accompagnent de nouvelles pratiques et questionnements. Afin de connaître les éléments à mettre en lumière ainsi que les points de crispation, notamment au niveau du prix, il nous a paru important de récolter les avis des premières concernées.

«Le questionnaire a été un grand sujet de discussion autour de la machine à café», sourit une répondante vaudoise. Une Genevoise reconnaît que le fait d’avoir fait circuler le lien du formulaire auprès de son cercle de proches lui a permis de découvrir que certaines amies portaient aussi un stérilet. «Du coup, on a commencé à échanger très naturellement sur nos expériences respectives.» Un partage qui les a rapprochées, estime-t-elle. Une façon de délier les langues autour d’un sujet resté tabou.

Notre échantillon n’a rien de représentatif. On peut supposer qu’il existe un biais inhérent à la méthode: celle-ci a peut-être davantage motivé les femmes qui ont été confrontées à différents problèmes. Le nombre de réponses nous indique toutefois que le sujet est sensible, qu’il n’est pas anodin et qu’il concerne une frange non négligeable de la population.

Parmi les réponses, ne pas souhaiter de grossesse à moyen terme (ou pas du tout) et la praticité au quotidien sont les raisons principales d’opter pour un DIU. «Je ne souhaitais plus me préoccuper de ma contraception», explique cette trentenaire valaisanne. «Je voulais stopper la charge mentale liée à la prise quotidienne d’une pilule» ou «pour ne plus oublier de la prendre» sont des arguments revenus très fréquemment. «Rien n’est universel dans la contraception, affirme Sophie Burger, médecin gynécologue, cheffe de clinique responsable du Centre de santé sexuelle/planning familial au CHUV, à Lausanne. La meilleure, c’est celle dont la personne concernée est convaincue.» L’affirmation se retrouve en filigrane dans nos réponses.

Avec ou sans hormones

Environ 40% des répondantes ont opté pour le stérilet en cuivre et 60% pour la version hormonale. Celles qui ont choisi le cuivre évoquent le souhait de se passer de prise d’hormones et de retrouver un rythme de cycles jugé plus naturel. But: éviter les effets secondaires éprouvés par le passé avec les méthodes hormonales (maux de tête, baisse de libido, etc.), ou encore en réaction aux scandales concernant les pilules œstroprogestatives. Certaines évoquent des antécédents médicaux liés à la prise d’hormones, comme des risques de thrombose. Enfin, quelques-unes ont utilisé cette solution comme contraceptif d’urgence.

Concernant les stérilets hormonaux, c’est le côté pratique qui ressort très souvent par rapport à d’autres moyens de contraception. Le stérilet hormonal est considéré, selon les témoignages reçus, par beaucoup de praticiens et de patients comme la «solution par défaut» dans la catégorie DIU. Quatre personnes ont par exemple indiqué avoir dû beaucoup discuter, voire batailler avec leur gynécologue pour pouvoir mettre un dispositif en cuivre plutôt qu’hormonal. Parmi les autres raisons principales qui ont poussé à recourir au dispositif hormonal: la volonté de réduire ou stopper les règles. Quelques répondantes ont aussi cité le fait de lutter contre les anémies liées à des saignements abondants ainsi que la diminution de l’acné.

«N’achetez pas un générique, je déteste poser autre chose que cette marque-là. Si vous ne voulez pas avoir mal, prenez celui-ci.
Une gynécologue citée par une répondante (Vaud, 41 ans)

Marques incontournables

Dans les marques citées le plus souvent, toutes fabriquées par Bayer, Mirena est un incontournable des stérilets hormonaux (68%). Suivent Kyleena et Jaydess (22%). Environ 10% ne se souvenaient plus du nom du dispositif ou n’ont pas répondu à la question. «Les DIU Jaydess et Kyleena ont été mis sur le marché plus récemment, analyse Sophie Burger. Ces stérilets étant moins dosés que le Mirena, leur marketing cible les femmes plus jeunes et leur durée d’efficacité est plus courte.» À noter que si Bayer semble prédominer, des génériques sont récemment apparus sur le marché. Dans les stérilets en cuivre, 84% des femmes qui se souviennent de la marque indiquent posséder un dispositif Mona Lisa, des laboratoires Biomedical.

Quelques répondantes seulement indiquent être intervenues sur le choix de la marque car elles avaient une idée très précise de ce qu’elles souhaitaient. Elles relèvent que leur gynécologue n’a pas évoqué avec elles les options possibles. «J’ai quand même l’impression que chaque médecin a ses stérilets préférés; pas sûr qu’on ait vraiment le choix, à moins de changer de praticien», relève cette Vaudoise de 41 ans. Un autre témoignage, d’une trentenaire genevoise, va dans ce sens: «La gynéco m’a prescrit une marque en particulier en me disant: «N’achetez pas un générique, je déteste poser autre chose que cette marque-là. Si vous ne voulez pas avoir mal, prenez celui-ci.» Je suis allée le chercher en pharmacie. Il était plus cher aussi…»

J’avais vu que le stérilet était deux fois moins cher dans le Compendium. J’avais argumenté. On m’avait rétorqué qu’il fallait ajouter la durée de la consultation et le matériel de stérilisation.
Une répondante (Fribourg, 37 ans)

Le prix: des tarifs peu clairs qui varient

La question du prix ainsi que le mode de paiement sont majoritairement ressortis comme problématiques. En effet, dans près de 40% des cas, le dispositif ainsi que la consultation ont dû être payés en espèces au cabinet le jour de la pose. La pratique peut surprendre, alors que pour les autres visites chez le même praticien, le cabinet envoie ses factures. «Le paiement en cash à un médecin est étrange», a confié cette répondante. Les gynécologues approchés durant l’enquête expliquent anonymement qu’ils achètent les stérilets à leurs propres frais afin d’en avoir en stock pour leurs patientes. Et dans la mesure où la contraception n’est pas prise en charge par la LAMal, ils préfèrent demander le règlement directement. Le paiement par carte entraîne des frais, d’où leur intérêt à exiger de l’argent liquide. Et la facturation à domicile? Une pratique très peu utilisée. Probablement pour limiter notamment l’administratif et les impayés. Mais impossible d’en avoir la confirmation officielle.

D’autant plus que la pose d’un stérilet coûte cher. Les tarifs du CHUV sont les suivants: 210 fr. la pose et la consultation du jour; ce à quoi s’ajoutent soit 60 fr. pour le dispositif en cuivre ou 190 fr. pour la version hormonale (quelle que soit la marque). L’intervention complète oscille donc entre 270 et 400 fr. Un quart des répondantes se situent dans cette fourchette de prix, la majorité s’en écarte. Les autres ont dû payer entre 300 et 370 fr. le stérilet en cuivre et entre 450 et 550 fr. le DIU hormonal. Une Vaudoise a même indiqué avoir déboursé 600 fr.! Enfin, près d’un tiers ne connaissaient pas le prix à l’avance.

Lorsque le forfait est pratiqué, il est difficile de savoir les parts qui reviennent au dispositif et à l’intervention médicale. Une Fribourgeoise de 37 ans, qui avait fait poser son stérilet dans le canton de Vaud en 2013, avait exprimé son incompréhension à l’époque à son gynécologue. «J’avais vu que le stérilet était deux fois moins cher dans le Compendium (recueil officiel des informations relatives aux médicaments autorisés en Suisse, ndlr). J’avais argumenté. On m’avait rétorqué qu’il fallait ajouter la durée de la consultation et le matériel de stérilisation.» Ce manque de transparence s’est retrouvé dans d’autres réponses. À noter encore que, dans un forfait, une consultation de contrôle, effectuée quelques semaines après la pose, peut parfois être incluse.

Je ne l'ai pas encore fait retirer alors que la durée d'utilisation est dépassée, vu le prix.
Une répondante (Vaud, 43 ans)

Et qui peuvent être dissuasifs

Quelque 42% des patientes considèrent les prix comme élevés. Celles qui ont répondu par la négative ont très souvent expliqué avoir fait la comparaison avec la pilule contraceptive. «La solution est avantageuse par rapport au prix d’achat de la pilule pendant la même durée», explique une Vaudoise. Une Neuchâteloise a estimé que, sur cinq ans, son dispositif ne lui coûtait finalement que 5 fr. par mois, montant qu’elle estime correct. De nombreuses répondantes ont néanmoins relevé que le fait de sortir une somme importante d’une traite, sans prise en charge par la LAMal, était un coup dur pour leurs finances. D’ailleurs, 28% ont indiqué que le prix aurait pu être une raison pour renoncer au stérilet ou ne pas poursuivre dans cette voie. Une quadragénaire fribourgeoise indique avoir renoncé à poser un deuxième Mirena pour des raisons pécuniaires, alors qu’elle en est satisfaite. Pareil pour cette Valaisanne de 26 ans. Une autre quadragénaire, vaudoise, indique que le prix est la raison pour laquelle elle n’a pas encore fait retirer son DIU en cuivre, alors que la durée d’utilisation est dépassée. Le renoncement aux soins pour raisons économiques n’est pas loin derrière ce témoignage. L’enquête de l’Institut des humanités en médecine montre que ce dernier s’élevait à 24,4% en Suisse en 2023.

La pose et le retrait ont été un véritable carnage.
une répondante (Fribourg, 50 ans; 22 ans à l'époque)

Douleur sous-estimée…

Il s’agit sans doute de la thématique sur laquelle il y a le plus de retours! Alors que l’enquête ne comprenait pas de question sur l’expérience de la pose, l’écrasante majorité des femmes ont signalé que la douleur était un thème à traiter à part entière.

Poser un stérilet, cela fait-il mal? «Oui, non, peut-être, ça dépend», répond Sophie Burger. L’experte raconte avoir vu dans sa pratique des personnes prises de malaises ou de vomissements, mais aussi récemment une patiente qui a rigolé tout au long de la pose avec son compagnon et qui n’a rien senti. Dans la majorité des cas, la douleur est plus ou moins forte.

Dans leurs retours, les femmes ont plutôt perçu la pose comme douloureuse, voire très douloureuse. Plusieurs dizaines évoquent malaises, évanouissements, vomissements, crampes insupportables et incapacité à reprendre une activité, même plusieurs jours après l’intervention. «Les pires douleurs de ma vie», résume l’une d’elles. «La pose et le retrait ont été un véritable carnage», renchérit une autre.

Je suis étonnée des différentes approches de la pose du stérilet. Parfois on recommande des antidouleurs, parfois même une piqûre anesthésiante dans le col de l’utérus.
Une répondante (Vaud, 49 ans)

…notamment par les médecins!

Au-delà de la douleur, les répondantes relèvent surtout le manque de préparation et d’empathie de leur gynécologue. Ce qui est vécu comme une sorte de trahison de la part du corps médical. «Ce n’est qu’à ma troisième et dernière pose que la gynécologue (pas celle des premières fois) m’a dit: «Oui, cela fait VRAIMENT mal», explique cette Vaudoise. Une autre regrette n’avoir pas été soutenue par son médecin quand elle a fait un malaise au cabinet. Beaucoup de témoignages vont dans ce sens-là: une minimisation des souffrances ressenties, ce qui a eu pour effet que certaines n’ont pas osé les exprimer devant le praticien.

Ce qui surprend, c’est la disparité des conseils et des solutions proposées pour lutter contre la douleur (lire plus bas Les idées reçues). Beaucoup de médecins n’ont ainsi même pas proposé en amont la prise d’antidouleurs ni évoqué les options pour améliorer le confort. «En discutant avec des amies/collègues porteuses de stérilets, nous avons constaté que la modalité de pose est différente d’un médecin à un autre: certains utilisent un anesthésique, et d’autres, comme le mien, estiment que la douleur est supportable et qu’il n’est pas nécessaire de prendre ce genre de précaution, explique une trentenaire. N’étant habituellement pas très sensible à la douleur, je ne pensais pas qu’il soit possible d’avoir si mal. Les deux dernières fois, j’ai presque perdu connaissance et j’ai mis deux heures à m’en remettre. À tel point que j’appréhende déjà le prochain changement et que j’envisage de changer de gynécologue pour quelqu’un de plus empathique et qui prendra des précautions!»

L’utilisation décriée de la pince de Pozzi pour ouvrir le col est également revenue à plusieurs reprises dans les réponses: «Je n’ai appris que bien après que certains gynécos le faisaient sous anesthésie locale. Et qu’il n’était pas obligatoire d’utiliser cette pince-là pour bloquer le col si l’on savait s’y prendre.» Un témoignage résume cette disparité, peu compréhensible: «Je suis étonnée des différentes approches de la pose du stérilet. Parfois on recommande des antidouleurs, parfois même une piqûre anesthésiante (ce que j’ai eu) dans le col de l’utérus.»

Dans sa pratique, Sophie Burger recommande, outre des antidouleurs une heure avant l’intervention, la prise d’un comprimé de Cytotec, médicament prévu à la base pour traiter les ulcères dans la médecine gastro-entérologique, mais aujourd’hui surtout utilisé en gynécologie. Il prépare le col et rend le passage moins pénible. Cette solution n’a pas été évoquée dans les questionnaires que la FRC a reçus, mais relevons que cette précaution ne fait pas forcément l’unanimité dans la profession, en raison des effets que ce médicament, également utilisé pour les interruptions de grossesse médicamenteuses, peut provoquer.

Les données autour du stérilet

Le stérilet est la troisième méthode de contraception en Suisse. En cuivre ou hormonal, il concerne 12,3% de la population, derrière le préservatif (36,7%) et la pilule (15,7%). Le dispositif intra-utérin (ou DIU) connaît une croissance foudroyante et séduit de nouveaux publics. Selon la grande étude sur la contraception en Suisse (1992-2017) publiée par l’Office fédéral de la statistique en 2021, on observe une diminution de l’utilisation de la pilule pour les 15 à 49 ans, en particulier chez les 25 à 35 ans (62% en 1992 à 39% en 2017). Cette baisse peut s’expliquer par la mise sur le marché de nouvelles méthodes, comme l’implant sous-cutané, le patch ou l’anneau vaginal ainsi que par les scandales autour des pilules œstroprogestatives de 3e et 4e générations.

Mais un des critères les plus marquants du déclin de la pilule, ce sont les changements intervenus avec les stérilets. Depuis un peu plus d’une dizaine d’années, ils sont conseillés aussi aux jeunes femmes, à celles n’ayant jamais accouché ou pour atténuer les effets négatifs de la ménopause. C’est en effet chez les plus jeunes et les plus âgées qu’une plus forte augmentation de l’usage du DIU est observée. Si elles n’étaient que 2% des 15-24 ans à l’utiliser en 1992, le taux est passé à 8% en 2017. Chez les 45-49 ans, le chiffre a grimpé de 11% à 23% durant la même période. Dernier critère significatif qui explique ce «boom», selon l’OFS: la réhabilitation du DIU face aux fausses croyances concernant les risques d’infection ou les effets délétères sur la fertilité (lire encadré). L’étude constate en outre une baisse de la stérilisation pour les femmes dès 45 ans et les hommes entre 35 et 64 ans. Pour les couples, l’arrivée du DIU hormonal est vraisemblablement devenue une alternative à ce geste-là.

J’ai dû faire semblant de vouloir une nouvelle grossesse pour qu’il accepte de l’enlever.
Une répondante (Fribourg, 42 ans)

Des patientes peu écoutées

La pose du DIU s’effectue à la suite d’une discussion avec un professionnel de la santé, qui doit présenter les options disponibles ainsi que les effets secondaires possibles. Ce qui ressort de notre questionnaire, c’est que de trop nombreuses patientes ont l’impression de ne pas avoir obtenu tous les renseignements nécessaires ou de ne pas avoir été écoutées lorsque des symptômes se sont présentés quelques semaines, mois ou années après la pose.

Une trentenaire partage ainsi son expérience et déplore le manque de communication avec son gynécologue: «Personne ne m’a informée qu’il fallait être ultraprécautionneuse avec l’utilisation de la cup (dispositif utilisé en guise de protection hygiénique, ndlr) en même temps que le stérilet. Il a fallu remettre en place ce dernier. Personne ne m’a non plus vraiment expliqué son action. En fait, le dispositif n’a pas seulement une action mécanique bloquant la nidification et le cuivre une action spermicide. Le stérilet provoque une inflammation constante de l’utérus qui empêche la nidification. Avec une endométriose, ce n’était pas nécessaire de faire double emploi pour l’inflammation…»

Les «oublis» d’informations reviennent dans plusieurs témoignages: «Ma gynécologue a omis de me parler des pratiques à observer dans les dix jours suivant la pose du stérilet: pas de piscine, alors que je partais en vacances dans un hôtel avec piscine et que c’était la canicule. Si j’avais su, j’aurais repoussé la pose!» explique une Neuchâteloise.

D’autres patientes regrettent que les effets secondaires, pourtant connus de la médecine, ne soient pas reconnus comme liés à l’utilisation du dispositif. «Tout le temps que j’ai porté un stérilet en cuivre, j’ai ressenti des troubles proches de la dépression. Au contrôle suivant, quand j’en ai parlé au gynéco, il a dit que c’était sûrement dû à autre chose, explique cette femme. J’ai fini par lui demander de retirer le stérilet après trois ans, et j’ai dû faire semblant de vouloir une nouvelle grossesse pour qu’il accepte de l’enlever.»

Le côté «parcours de la combattante» revient dans d’autres témoignages. «J’avais des problèmes de rétention d’eau. J’ai dû me battre pour me faire entendre, confie cette Vaudoise de 40 ans. J’ai finalement pu faire enlever mon stérilet, bien que le médecin reste sur sa position. Depuis que j’ai stoppé les hormones, je n’ai presque plus de problèmes, mais le médecin maintient que c’est sans rapport…»

D’autres émettent même des doutes sur les motivations de leur praticien: «J’ai 45 ans et ma fille s’est fait poser un stérilet il y a plus d’un an chez une autre gynécologue qui lui a bien expliqué les choses. Sa gynécologue et mon généraliste m’ont dit que maintenant le Mirena était valable six ans. Or, mon gynécologue maintient qu’il doit être changé tous les quatre ans. Pour éviter des saignements, dit-il. C’est contradictoire, je n’ai plus trop confiance en lui. Ça me paraît surtout être un moyen de gagner de l’argent.»

Évidemment, tous les retours ne vont pas dans ce sens. Une Valaisanne de 35 ans a, par exemple, tenu à relever «la très bonne prise en charge du gynécologue, très doux, rassurant». Si notre questionnaire n’a pas de valeur représentative, il est néanmoins intéressant de relever que les DIU, comme d’autres thèmes de santé, cristallisent des échanges parfois compliqués avec le corps médical.

La chasse aux idées préconçues

Même si les mœurs et les habitudes ont changé par rapport aux DIU, les croyances ont la vie dure. Dans les témoignages reçus, plusieurs personnes indiquent, par exemple, que leur praticien a refusé de poser un stérilet à une nullipare, à savoir une personne qui n’a jamais porté d’enfant et accouché. Une Vaudoise de 33 ans s’étonne au contraire que son gynécologue ait accepté la pose d’un DIU en cuivre alors qu’elle n’a eu pas d’enfant. Le point avec Martine Jacot-Guillarmod, spécialiste en gynécologie et médecin adjointe responsable de l’Unité de colposcopie et de la gynécologie de l’adolescente au CHUV.

Dit-on DIU ou stérilet?

LES DEUX. J’essaie de bannir stérilet de mon vocabulaire, car on entend le mot stérile. Or, c’est justement un mythe qui colle à la peau de ces dispositifs, selon lequel il pourrait engendrer de l’infertilité chez les jeunes femmes. DIU est plus précis, mais dans le langage courant, stérilet est resté. Et c’est aussi un terme qu’une grande partie des femmes comprend.

Le stérilet fait un boom chez les très jeunes et les quadragénaires.

VRAI. Pour les jeunes filles, il est lié à l’acquisition de nouvelles preuves de son innocuité dans le cadre d’infections pelviennes, qui peuvent provoquer infertilité et grossesses extra-utérines. On peut poser des DIU chez les jeunes femmes. Et je dirais même plus, on doit leur expliquer l’entier de l’offre qui existe en matière de contraception. Mais cette idée préconçue a la dent dure: il existe toujours des praticiens qui refusent de poser des stérilets aux jeunes femmes ou des mamans d’adolescentes qui s’étonnent que je propose cette solution. En ce qui concerne les femmes de 45 ans et plus, l’arrivée du Mirena, qui ne contient pas d’œstrogène mais un progestatif, est intéressante pour éviter les complications thrombo-emboliques. De plus, la production de la progestérone s’arrête au moment de la ménopause. Ce dispositif a donc un double rôle à jouer à cette période de la vie où les besoins en contraceptif restent présents.

Le DIU est le moyen de contraception le plus efficace.

VRAI. Le DIU hormonal, avec l’implant sous-cutané, est le moyen de contraception le plus efficace. Il s’agit de contraceptions réversibles à action prolongée indépendantes de la compliance de l’utilisatrice. De plus, le DIU hormonal offre une contraception mécanique et hormonale à la fois, c’est en même temps une ceinture et une bretelle.

Le port du stérilet n’est pas compatible avec la pratique du sport.

FAUX. J’ai plutôt l’expérience inverse, car avec le DIU hormonal, le taux de suppression des règles est haut, ce qui est plutôt un effet recherché par certaines sportives.

Les règles ne sont plus naturelles.

VRAI ET FAUX. C’est le cas pour le DIU hormonal. Le progestatif qui est inclus peut freiner l’ovulation et entrer en interaction avec les cycles naturels. Mais pour le stérilet en cuivre, même si les règles peuvent être plus longues ou abondantes, les saignements sont liés à notre propre cycle naturel.

La durée d’efficacité des stérilets est plus longue qu’indiqué il y a quelques années.

VRAI. Le Mirena avait une autorisation de mise sur le marché de cinq ans. C’est six ans désormais. Mais pour le Jaydess et le Kyleena, c’est toujours cinq ans. Pour les dispositifs en cuivre, les durées varient: trois, cinq ou dix ans.

Cela vaut la peine d’enlever un DIU avant la fin de la durée autorisée pour éviter des saignements.

FAUX. Ce n’est pas justifiable, à moins qu’une personne rencontre des problèmes avec des saignements.

Les fils ne servent à rien.

FAUX. Coupés à 2 centimètres, ils servent au retrait du stérilet, ainsi que lors des contrôles intermédiaires, permettant de s’assurer que le dispositif est toujours en place. C’est quand les fils ne sont pas visibles que le retrait peut être douloureux, voire qu’il doit se faire sous narcose.

La douleur est insupportable.

VARIABLE. Ce n’est pas un moment confortable, mais il est vécu de façon extrêmement variable d’une patiente à une autre. Je dis toujours aux femmes que je rencontre que je ne vais pas insister si c’est trop douloureux. Parfois, le fait de différer la pose permet de faciliter la procédure. Je pratique «l’analgésie verbale», c’est-à-dire que je distrais la patiente et explique chaque étape. Je prends le temps, c’est fondamental de ne pas être pressée lors de cet acte. De plus, j’applique un anesthésique local sur le col, ce qui permet de soulager une bonne partie des douleurs lors du passage de l’orifice interne. Il est important d’informer que des douleurs peuvent persister, telles des douleurs de règles, encore plusieurs jours après la pose, il ressemble à un épisode de règles très douloureuses. La prise d’anti-inflammatoires peut soulager.

La meilleure décision de ma vie.
Une répondante (Valais, 55 ans)

Alors, stérilet ou pas?

Et au final, que pensent les intéressées du DIU? En sont-elles contentes? Certaines, ravies, parlent carrément de la «meilleure décision de leur vie», d’autres applaudissent le confort de ne pas devoir se soucier de leur contraception durant plusieurs années. Mais tous les retours ne sont pas aussi positifs. Ainsi, parmi les femmes ayant choisi le dispositif en cuivre, environ un tiers ont spontanément indiqué avoir dû le retirer prématurément, en raison d'effets secondaires. Les effets le plus souvent évoqués sont les règles, très douloureuses et abondantes, des stérilets déplacés, des mycoses ou des infections urinaires à répétition, des anémies, des douleurs lors de rapports sexuels ou au moment d’aller à la selle. Quelques témoignages indiquent aussi regretter la pose d’un dispositif hormonal, mais la proportion à avoir dû le retirer plus tôt est moindre. Là, les raisons invoquées sont la perte de la libido, la prise de poids, des symptômes de dépression, des douleurs aux jambes et des crampes au ventre, du spotting (légers saignements en dehors des règles, ndlr) ou le développement d’un kyste ovarien.

Il peut arriver, malgré une expérience qualifiée de désagréable, que le stérilet ait des effets inattendus, comme chez cette quadragénaire valaisanne. «Mon deuxième stérilet a fini par se déplacer et se planter dans la paroi utérine. Une bonne chose, puisque les saignements que cela a provoqués ont permis de découvrir un cancer de l’ovaire.» Actuellement en totale rémission, elle indique que le dispositif lui a certainement sauvé la vie.

Trois questions à Carole Clair, médecin

«On est au cœur de la question du genre»

Trois questions à Carole Clair, médecin associée, coresponsable de l’Unité santé et genre à Unisanté, Lausanne

Dans l’histoire de la médecine, le corps des femmes a toujours fait l’objet d’une attention particulière, pas toujours à l’avantage des concernées. La FRC a sollicité Carole Clair, coresponsable de l’Unité santé et genre à Unisanté, pour son regard sur la question.

Que pensez-vous de cette enquête?

L’information en soi, c’est déjà le nombre de retours que vous avez obtenus autour de cette thématique. Cela prouve que l’on touche ici un sujet qui n’en est normalement pas un, alors qu’il y a des choses à en dire. C’est aussi propre à la gynécologie, une discipline qui a commencé relativement récemment à s’ouvrir. On est vraiment au cœur de la question du genre.

La question de l’absence d’écoute du médecin revient souvent dans les témoignages reçus. Est-ce un aspect plus fort pour tout ce qui touche les femmes?

Cela fait en effet écho à d’autres situations similaires, comme la fibromyalgie. Il est vrai que nous avons beaucoup plus d’exemples de cas de non prise en compte de la patientèle, qui doit apporter des preuves, des arguments pour être entendu quand il s’agit de thématiques majoritairement liées aux femmes.

Pourquoi?

Parce que la médecine a longtemps été faite par les hommes pour les hommes. Les problématiques féminines sont banalisées, voire «normalisées». De plus, aussi bien les soignants et les patients ont tendance à ne pas considérer la contraception orale ou hormonale comme une traitement médical.

Et la contraception définitive?

Plusieurs répondantes ont déclaré avoir choisi la solution du stérilet par défaut. Leur gynécologue leur avait en effet refusé une contraception définitive, à savoir la ligature des trompes de Fallope. Selon l’Office fédéral de la statistique, 5% des femmes en âge de procréer opteraient pour la stérilisation à visée contraceptive. Dans les hôpitaux romands, les spécialistes constatent une augmentation des consultations à ce propos. «Il y a cinq ans, nous n’avions aucune demande. Aujourd’hui, nous recevons des demandes de la part de jeunes femmes entre 20 et 25 ans. Nous opérons deux à trois patientes par an», explique Jean Dubuisson, responsable de l’Unité de chirurgie gynécologique aux Hôpitaux universitaires de Genève, interrogé par la RTS.

Auparavant, cette intervention n’était réservée qu’aux mères, mais de plus en plus de femmes sans enfant font la démarche de la stérilisation. La loi ne prend en compte que deux critères: être majeure et disposer de toute sa capacité de discernement. Dans les faits, des professionnels refusent l’intervention aux nullipares, invoquant un risque important de regretter cette décision par la suite. Sophie Burger, qui reçoit ces demandes au CHUV, explique que sa Commission d’éthique clinique recommande un délai de deux mois après que la patiente a reçu toutes les informations sur le sujet, afin de s’assurer qu’elle dispose des bonnes informations et qu’elle ne subit pas de pression extérieure, mais ne peut pas exiger un délai de plus de six mois. Les raisons le plus souvent invoquées par les femmes entre 20 et 30 ans qui optent pour la ligature des trompes sont l’éco-anxiété, le désir de ne pas avoir d’autre grossesse après la naissance de leurs bébés, le fait de ne pas vouloir s’occuper d’un autre être ou l’angoisse de la grossesse et de l’accouchement (tocophobie).

L'avis de la FRC

Avant la pose d’un stérilet, une femme est en droit de poser toutes les questions et le professionnel, en retour, est dans le devoir (légal) de lui fournir toutes les réponses. Il est même dans l’obligation de fournir des réponses à des questions que sa patiente n’a pas identifiées mais qui pourraient avoir des conséquences pour elle.

Gynécologie Suisse (qui n’a pas donné écho à l’enquête) met à la disposition des profes­sionnels des documents allant de l’aide à l’entretien à un protocole d’information très complet. Celui-ci se conclut par la signature de la patiente, qui atteste avoir participé activement à la prise de décision. Reste que les protocoles ne sont rien sans la manière, et vice versa. L’enquête démontre la délicatesse qu’exige toute interaction médicale soumise forcément à des aléas dont les praticiens ne sont pas seuls responsables. Mais elle rend aussi visible le fait que l’absence de protocole n’est pas rare et que les médecins manquent trop souvent de diligence dans l’exercice de leur devoir d’information.

Ce devoir d’information concerne aussi l’aspect financier. Ici, deux aspects paraissent inacceptables: l’exigence d’un paiement en liquide immédiatement après la prestation et le fait qu’il arrive trop souvent que le dé­tail de la facture ne distingue pas le montant dédié à la pose, et celui lié au coût du stéri­let. Là encore, nous savons que des cabinets se montrent plus scrupuleux en envoyant une facture détaillée payable dans les délais usuels. Pourquoi cette pratique n’est-elle pas la norme?

Yannis Papadaniel, Responsable Santé